L'OCHJU (mauvais oeil)
Les croyances corses, très importantes dans la vie quotidienne corse, sont souvent un mélange de religions et de pratiques païennes. L'ochju (oeil) désigne les forces occultes dont une personne est victime. Elle est ainsi atteinte du mauvais œil (annuchjatu). Pour le conjurer, il faut signer l'oghju. La signature de l'ochju fait partie de ces croyances : sorte de médecine populaire appuyée sur la magie ou la sorcellerie. Seules les personnes initiées, I Signatori ayant le pouvoir de le chasser ou de le briser, peuvent le signer. La signature de l'oghju est un acte d'autant plus difficile qu'il existe plusieurs "symptômes" de l'oghju et donc plusieurs sortes d'oghju.
Hommes ou femmes peuvent être "Signatori". La transmission se fait en famille et en génération alternée. Néanmoins n'importe qui peut apprendre à signer l'ochju. Il ne faut en aucun cas transmettre ou même dévoiler les prières (prégantule) du rituel hors de la date voulue, sinon le pouvoir est perdu. Le moment de la transmission est la nuit de Noël. La date est la même pour les différentes régions corses. La durée du moment peut varier selon les régions. Elle peut s'étendre jusqu'au jour de l'an. Le procédé de la signature de l'ochju est différent selon les endroits, (chaque micro-région a sa technique) et selon la méthode reçue durant l'apprentissage. Certains agissent simplement par gestes (imposition des mains et signes de croix sur certaines parties) et par prières rituelles. L'efficacité magique est absolument liée aux prières. Lors de l'utilisation de cette méthode, c'est la signatora qui "prend sur elle" l'oeil. Sa peau peut se couvrir de rougeur et de chair de poules. L'oeil peut lui provoquer des crises de bâillements répétés et des larmes. D'autres peuvent utiliser divers ingrédients. On utilise des grains de blé jetés dans une assiette d'eau. La matière la plus répandue cependant reste l'huile. La Signatora, après s'être signée trois fois verse quelques gouttes d'huile dans une assiette d'eau. Le doigt trempé dans l'huile est "u ditu minghjulu di a manu mancina (l'auriculaire gauche). Si les gouttes d'huile se diluent dans l'eau alors le patient a été annuchjatu (envoûté) alors l'ochju est rotu, le charme est rompu. Ainsi, le consultant guérit. Si les gouttes restent entières, "le malade" n'a pas été envoûté. L'ochju est un mauvais sort jeté par envie ou jalousie, et pas toujours de manière consciente ou volontaire. C'est pourquoi, afin que personne ne jette de sorts, on fait les cornes ou bien on rajoute "Chi Dio ti benedica" (que Dieu te bénisse !) à la fin d'un compliment. Le mieux serait encore de jeter quelques gouttes de salive. Aux enfants, on leur fait porter au cou des protections magiques éloignant le mal : petits scapulaires contenant des matières aux vertus efficaces : sel, corail, fragments de cierges bénis (celui de la chandeleur par exemple). L'ochju a plusieurs manifestations mais des symptômes précis et inexplicables : maux de têtes violents, fièvres, nausées, lassitude, qui peuvent souvent ressembler à une crise de foie ou à une migraine. Avec l'intervention de la Signatora, les symptômes disparaissent comme ils sont arrivés. La signature de l'ochju peut intervenir non seulement pour désenvoûter les enfants les plus exposés, mais encore à Pâques contre les maux d'oreilles et la méningite ou encore l'exorcisme des femmes en couche. La signature peut soigner d'autres maladies qui ne sont pas forcément d'ordre magique. A chaque maux correspond une prigantula (prière) et un matériel spécifique. Les morts ou les esprits peuvent également provoquer un "œil" plus virulent encore : "l'imbuscade" ayant des symptômes semblables à ceux de l'ochju avec la sensation supplémentaire de dépérissement. Contre l'imbuscata la Signatora pratiquera la "sfumatura", exorcisme consistant à enfumer le malade en brûlant les palmes et les oliviers bénis des Rameaux. La Signatora tournant autour du malade et tenant à la main le récipient d'où s'échappe la fumée récite : "fora ogni male" (que tous les maux s'en aillent).
Dès sa naissance l'homme cherche à éloigner les forces occultes par ces pratiques magico-religieuses, nombreuses durant l'année et des dates rituelles importantes. Ainsi, l'homme lutte contre la mort, la maladie, les calamités naturelles, favorise l'abondance et combat la misère ou le malheur. Avec l'aide des différents intervenants religieux (Saints), il découvre toutes les vertus bénéfiques de certaines plantes et la valeur symbolique des objets bénis. Il attire les forces positives circulant à certaines dates.
Article crée le 20/08/2018 à 10:17